Table de réunion (ou à manger)

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L'histoire

On dit que chaque meuble a une histoire …

Idee mobilier authentique

Vous allez encore me dire que je vais vous raconter une histoire farfelue. Pas du tout. Là c’est du sérieux. Aussi sérieux que l’inspecteur Clouzot en pleine enquête.
Lorsque l’on devient entrepreneur par goût de l’indépendance (ou autre), on commence surtout … avec les moyens du bord. On a beau s’imaginer dans le bureau d’un siège social, avec une usine ou un open space faisant office de production, on commence chez soi. On transforme ainsi la cuisine en bureau comptable, la chambre en service communication, et la salle à manger en salle de réunion. Pourquoi la salle à manger ? Parce que généralement, c’est là où il y a la plus grande table. Comme si cela était nécessaire pour créer une véritable « war room ».
La salle de réunion est un lieu de débat, de formation, de concertation, de discussions enflammées, voir de dispute. Alors pourquoi faut-il une table ?

Je vous en conte la raison.
Les Irlandais sont, paraît-il, un peuple très accueillant, souriant, pragmatique. Ils ont aussi la réputation, d’être plutôt bourru, bagarreurs, et râleurs. C’est simple, on dirait des Français. C’est aux alentours de 1610, près du village de Bunowna au nord-ouest de l’Irlande, que vivait un paysan nommé Gordon O’Mamablue. Ce vieux célibataire froid comme une porte de prison et aussi aimable qu’une porte de frigo, sortait rarement de chez lui. Il vivait presque en totale indépendance grâce à son potager et ses quelques bestiaux. Crasseux, pouilleux même, il évitait tout contact avec les autres. Il n’aimait tellement pas les « gens » (comprendre toute autre personne de la planète), qu’aller au marché pour vendre ses produits était un calvaire. Pourtant il fallait bien payer différents services (forgeron, ou remouleur par exemple) pour assurer la routine de sa petite vie.
Il n’y avait qu’un autre agriculteur dans le coin, mais ce vieux Mac O’reille, avait tourné de l’œil. On l’a retrouvé dans son étable, affalé sur le sol, le pantalon sur ses chevilles. Cette découverte étonnante a alimenté beaucoup de rumeurs sur les circonstances de sa mort. Certains dirent de mauvaises choses suite à ce décès. Des histoires de chèvres non consentantes. Pour calmer les légendes, le médecin légiste local a conclu une mort par morsure de serpent.
Depuis ce jour le jour, Gordon O’Mamabue était devenu le seul agriculteur de la région. Cela aurait pu satisfaire n’importe quel entrepreneur, mais pas Gordon. Car cela l’obligeait à satisfaire la demande et donc travailler plus, et donc voir plus de gens. Beurk !
Le village de Bunowan était un village de pécheurs. La mer était toute leur vie, et la terre juste un îlot pour boire une pinte sans en renverser. Les villageois devaient donc acheter les produits de la ferme à Gordon, ou faire quelques miles de plus, dans la contrée voisine de Ballybuarha.
Gordon a su quand même tirer avantage de la situation. Il ne se déplaçait plus. Ce têtu mais finot bonhomme, avait réussi le tour de passe-passe, ou les « gens » venaient dans sa ferme plutôt que lui aille proposer ses produits. Moins d’effort, plus de paix.

Un jour, ou la météo était clémente (crachin, 4 degrés, vente force 4), Gordon décida d’aller réparer le muret de pierres qui délimita l’espace dédié à ses moutons. Tout se passait bien, jusqu’à ce qu’il se baissa une dernière fois pour ramasser un dernier roc, et crac ! Son pantalon décida de se faire entendre. Usé, limé, épuisé de son utilisation journalière depuis ses 35 dernières années, rapiécé de moults endroits, il se déchira dans une agonie suicidaire.
« Ho Fichtre ! » (Note de l’auteur : J’ai volontairement réduit le dialecte haut en couleur et fort rustre du personnage pour ne pas heurter la sensibilité du lecteur)

Gordon était bien embêté. La laine récoltée n’était pas assez sèche pour la filer, et de toute manière, le tricot n’était pas son point de croix. C’est en maugréant un truc que les grandes instances d’internet m’empêcheraient d’écrire qu’il décida de descendre à la Ville. Ce lieu rempli de gens. Beurk !
Il était encore tôt, il y descendrait aujourd’hui. Il irait chez Sully O’ligarque, qui tient sa boutique de couture. Cette vieille coureuse de rempart saura bien le dépanner pour pas cher, pensa-t-il. Baluchon sur l’épaule, le cul à l’air, il prit les chemins boueux vers Bunowna.

« Ho … ben V’la une surprise ! Le crotteux de la colline de Crowcullen (lieux où vivait Gordon) ! » s’écria Sully au moment où Gordon franchit la porte.
« C’est toujours une poisse de franchir cette porte rien qu’en entendant ta voix. » répondit Gordon. « Néanmoins, je me vois forcé, obligé, à contrecœur, de faire appel à tes services. » Dit Gordon en se retournant, montrant la faille pantalonesque. Sully ne put s’empêcher de rire.
« Bé v’la donc ! Déjà que l’crotteux vient à la ville, c’est illusoire, mais si en plus, il vient avec son cul blanc, c’est ubuesque ! » s’écria Sully.
Gordon grimaça, mais ne dit rien.
« Tu devrais p’tête investir dans une nouvelle souche ? Parce que là, avec l’odeur, tu risques d’exciter tous les taureaux à 20 miles à la ronde. » rajouta Sully.
« Mwé mwé, ch’uis sûr que t’a bien un bout d’laine qui traine pour réparer ce bon vieux John ! » Gordon aimait bien donner des noms à des objets. Sa solitude n’avait rien arrangé à ce sujet, et « John » venait d’un ancien renégat anglais à qui il avait flanqué une raclé durant sa jeunesse. Il disait qu’il s’asseyait sur les anglais avec la partie la plus « noble » de son anatomie.
« Et quant à l’odeur, c’est pour effrayer les loups ! » ajouta Gordon.
« Mais il n’y a pas de loup ici ! » dit Sully.
« bah voilà » conclua Gordon.

Sully pris le lambeau de Gordon et lui prêta un kilt en attendant la réparation. Elle lui conseilla d’aller au « Gnhon », la taverne du village. Quitte à ce qu’il vienne au village, autant qu’il s’en jette une. ça le changera de son alambic. Pour une fois, Gordon se dit que la Sully n’était pas une si mauvaise fille.
Gordon se dirigea vers cette taverne idéalement située au bout du port, l’escale finale pour tout marin qui se respecte après plusieurs jours de mer.
Le Gnhon, une taverne bruyante, sentant le poisson pourri, ou le vomi, personne ne savait trop, et tout le monde s’en moquait. Frieds O’Cazion le tavernier, faisait la meilleure bière de l’Irlande. Sachant que l’Irlande, pour les villageois, se limitait à un rayon de 50 miles. On y parlait fort, on y riait fort, on y rotait fort. Une taverne irlandaise quoi !
Lorsque Gordon poussa la porte, tous les visages se tournèrent vers l’entrée s’attendant à un visage connu, un frère de mer. Mais non. Le silence entra dans la taverne avec l’odeur de Gordon. Les effluves ne semblaient pas gêner les marins. Par contre, c’était plutôt la surprise de voir le crotteux. Gordon balaya la salle du regard pour y trouver un coin tranquille et limiter au maximum le contact avec les individus. Il vit une table vide dans le fond et s’y dirigea. A peine assis, il entendit une voix forte derrière lui.
« Non là ça va pô êt’ possible ! Tu peux pô t’assoir là. »
Gordon se retourna pour contempler le visage raviné par les années de mer de Ryan O’Ctogénaire. Un brave type.
« Et pourquoi ch’peux pô ? j’vais ou j’veux. » Grimaça Gordon, bien décidé à ne pas se laisser faire.
« Parc’ que c’pô possible, c’est tout ! » Répliqua Ryan.
« Awééé ! C’est pô possible mais t’a pô d’raison. Donc j’reste. » lâcha Gordon.
« Cette table est réservée à O’Ptalmo. C’est sa table » dit Ryan d’un air presque désolé.
« Et c’est qui ce O’Ptalmo ? » répliqua Gordon.
« C’est moi ! » Une nouvelle voix grave venait de l’entrée de la taverne.
« Je suis Ray O’Ptalmo, et cette table est mienne ! » Un homme à la stature imposante se tenait dans l’entrée. Une force de la nature que personne n’osait contredire.
C’était mal connaître Gordon. Il ne venait pas souvent (autant dire jamais) à la taverne, il n’allait pas se faire emmerder par un inconnu.

La suite est prévisible. Un débat très ouvert à poings fermés s’ensuivit entre Gordon et Ray sur le droit d’utiliser cette table. C’est ainsi que naquît la fameuse table de « Ray au Gnhon », illustre symbole de discussions, débats, et de rencontres.

la vérité

Un client m’a contacté en me demandant si je pouvais faire une table avec un plateau en chêne d’une dimension de 2 mètres par 1 mètre. Ayant répondu par l’affirmative, le client m’a envoyé des dessins des pieds qu’il souhaitait avec les cotes. J’ai donc réalisé un dessin en 3D avec un rendu réaliste, pour avoir une mise en situation la plus proche possible de la réalité. Nous avons eu plusieurs échanges concernant la solidité de cette table. Je lui ai parlé de mes contraintes de production et je l’ai rassuré sur la solidité d’un plateau de 4 cm d’épaisseur comme il le souhaitait.
Puis, grâce à la 3D, je lui ai proposé des variantes de pieds à partir de son dessin. Moins larges, ou plus rapprochés du centre, la 3D permets vraiment de se faire une idée du look final de la table.

Finalement, le client m’a envoyé une image (piquée sur Pinterest et issue du site formelab.com), en disant : « c’est ça que je veux ». A partir d’une seule image, il m’a fallu imaginer les angles des pieds inclinés dans les deux dimensions (en largeur et en longueur). La forme des pieds engage une contrainte de résistance bien plus importante au niveau du plateau. J’ai donc considérablement augmenté le nombre d’inserts de fixation des pieds sur le plateau sur la ligne d’efforts. Le projet validé par le client, la fabrication a pu commencer.

Il y a peu de photos durant la réalisation. Si vous souhaitez en savoir plus, il y a la vidéo en bas de page qui reprend toutes les étapes de fabrication.
Ci-dessous, une vidéo retraçant la naissance de ce meuble.

Données techniques

Dimensions en Cm (L x l x h) : 200 x 100 x 75
Plateau en chêne 4 cm d’épaisseur et biseauté
Pieds en fer plat acier de 100 mm x 8 mm