Table basse deux bouts
L'histoire
On dit que chaque meuble a une histoire …
Et l’histoire de la table basse aux deux bouts est spéciale …
Car oui, si toutes les tables ont deux bouts (sauf des tables ovales et rondes qui sont de véritables rebelles), ces bouts ont une légende à leurs actifs. Lors d’un dîner, la position en « bout de table », est souvent considérée comme une place importante. Le chef, le patriarche, ou une personne respectée est mise au bout. Cette place permet d’avoir une vue complète sur tous les invités et donner l’impression de gérer le repas. Il n’en fût pas toujours ainsi.
En effet, cette place honorifique, permets surtout de ne pas entendre tous les quolibets, ragots et autres grivoiseries qui s’échangent entre convives. Car cette place tant convoitée est forcément le sujet de commentaires.
Il faut remonter en l’an 1354, en Angleterre pour retrouver l’origine des deux bouts.
A cette époque, le roi Henri VIII allait se remarier pour la cinquième fois. Comme à son habitude, la cérémonie devait être célébrée par un grand banquet. Cependant, au lieu de la traditionnelle table des mariés séparée des invités, le roi voulu être plus proche de sa cour, afin d’y apporter un brin de convivialité. Défiant tous les protocoles anglo-saxons, il ordonna de mettre en place une longue tablée ou il serait le superviseur. D’instinct, il préféra se mettre en bout de table, avec sa nouvelle épouse à sa droite. Satisfait de sa trouvaille, il vaquât à ses occupations royales.
Le jour de la cérémonie, tout fût parfait. Les invités rivalisèrent d’audace pour se montrer sous leur plus bel apparat, la journée fût ensoleillée, la mariée fût sublime, la couronne lourde, et aucun problème majeur ne vint troubler l’organisation millimétrée. Lorsque tous les invités entrèrent dans le grand hall dédié au repas, beaucoup furent surpris par la disposition des tables. Ce qui ne manqua pas d’amuser le roi Henri VIII, fier de sa surprise.
Les nobles s’installèrent et le repas put commencer. C’est au bout du troisième plat que le roi commença à tiquer sur quelque chose. Un truc, une bizarrerie, un je-ne-sais-quoi, mais ça clochait. Assis en bout de table, il observa tous ces gens se gaver de mets raffinés, tout en riant. Si au départ il pensait que c’était la bonne humeur de la journée, la satisfaction de voir les épousailles de son roi, la célébration de la politique (pardon … de l’amour), les rires n’étaient pas tout à fait … les mêmes que d’habitude. Il devait en avoir le cœur net. Il se leva le plus discrètement possible pour aller marcher derrière les convives. Lorsque ceux-ci le virent, les rires se turent. Les mines des invités se firent souriantes mais craintives, les félicitations enjouées mais hésitantes, les salutations respectueuses mais forcées. Le roi fût curieux de connaître le sujet de conversation qui déclenchait ces rires.
« Allons mes sujets, de quelles histoires justifient-elles ces esclaffements ? »
« Euh … de la chasse sire. » répondit le Duc de Roubignol après un moment d’hésitation.
« Oui c’est cela … de la chasse ! » ajouta le Baron de Westchestershiresauce.
« Eh bien ! Contez-m’en la nouvelle ! » demanda Henri VIII.
« Euh … ben euh … c’est Lord du Boucémissaire qui s’en alla chasser la perdrix dans le comté du Bourg de Croutofcheese. Et euh … il tira au mousquet et … rata sa cible. Et … tomba de son cheval à cause du recul de son arme. Et … voilà. » balbutia le Duc de Roubigniol, visiblement gêné.
Un silence se fît à la conclusion de cette histoire ridicule et absolument pas drôle.
« Je ne vois point ce qu’il y a d’amusant dans cette anecdote. Ma foi, ce Lord du Boucémissaire est tellement mauvais au tir qu’il raterait un éléphant dans un couloir. » répondit le roi. Il ajouta :
« D’ailleurs c’est probablement pour ces raisons qu’il n’a point de descendance. J’imagine qu’il vise le mauvais trou » finit-il avec un clin d’œil. Les invités rirent à contrecœur de cette blague particulièrement graveleuse et indigne dans la bouche du roi. Mais l’honneur était sauf. Les invités avaient esquivé la vraie raison de leurs rires et le roi fît mine de gérer la situation. Il retourna à sa place, en bout de table. Il savait maintenant qu’on lui cachait quelque chose.
Henri VIII était plutôt intelligent et compris bien vite que cette distance le mettait à l’abris des remarques le concernant. Était-ce ce énième mariage ? Ou les paris sur sa durée filaient. Était-ce le fait que son embonpoint devenait un peu trop proéminent ? Avait-il une feuille d’épinard coincée entre les dents ? Qu’importe ! On manquait de respect au roi sous son nez, et ce n’était pas tolérable.
Henri VIII termina la soirée un peu bougon suite à sa découverte. Il était si fier de sa trouvaille sur la disposition des tables, qu’il en fut vexé.
Quelques jours plus tard, il organisa un second banquet tout en maintenant la disposition de la tablée. Mais, puisque le bout de table est sujet à quolibets et railleries, il trouva l’astuce pour déporter ce fait. A l’autre bout de la table, il suffit de placer le plus idiot des idiots : un bouffon. Ainsi, il garderait le respect lié à cette position, pendant que les paroles déviantes seraient destinées à l’autre bout de la table, attirant l’attention par des amusements. Quelle idée de génie !
Un équilibre parfait entre le respect, la grandeur, la gloire, et à l’autre bout, l’imbécilité, l’absurde, et le déviant.
C’est ainsi que le roi Henri VIII inventa la table à deux bouts qui perdure encore aujourd’hui.
Alors la prochaine fois que vous irez à une grande tablée et que vous serez positionné en bout de table, demandez-vous si vous êtes le roi ou le bouffon.
la vérité
C’est en rangeant les chutes de bois que je suis tombé sur le reste de plateau qui a servi à fabriquer cette table basse. (Lien)
Plusieurs années de mauvais stockage et une inondation après (arglh !!), le morceau a « pris cher ». Il s’est fendu sur les deux faces et presque sur toute la longueur.
Je ne pouvais me résoudre à en faire des morceaux plus petits. C’est là qu’est venue l’idée de m’exercer à la pose de « papillons ». Ce sont des formes en X que l’on intègre dans le plateau à travers la fissure. Celle-ci est alors figée, le plateau ne se fendra pas plus. Très souvent ces « papillons » sont de couleurs tranchées avec le plateau. Bien visibles, cela renforce le côté authentique de la pièce et met en valeur ce qui était au départ un problème.
Le pin étant un bois clair, j’avais le choix de prendre du sipo ou du noyer qui sont de teinte foncée. Il en existe bien sûr bien d’autres essences mais celles-ci me plaisent bien. Et comme je cherche toujours à apporter un peu d’originalité dans mes créations, j’ai fini par trouver des « papillons » pré-faits en laiton ou en cuivre. Bien évidemment cela à un coût plus important, mais avoir des sortes d’implants métalliques dans ce plateau qui a déjà vécu, lui donnerait un cachet bien plus sympa. Une sorte de symbiose entre le bois et le métal, l’un dans l’autre pour une très longue durée.
Concernant le piètement, je souhaitais quelque chose de massif au regard de l’épaisseur du plateau. Celui-ci n’est pas très long, son épaisseur lui donne un air trapu.
Alors j’ai opté pour des barres carrées de 50 mm de côté. Le positionnement en X de ces barres est un classique dans le design industriel et encore plus dans les meubles sur mesure. Pour rendre ces pieds originaux, j’eu l’idée d’inclure deux poutres en pin cerclées par du fer plat et des rivets. Ces poutres ne sont pas sous ou sur les pieds mais passent au travers, toujours dans un esprit d’osmose entre les deux matières. Le brûlage permet de donner un aspect vieilli au pin en faisant ressortir les veines du bois.
Le rendu final montre une petite table basse massive et originale. Un plateau qui a déjà vécu une vie et, grâce au métal, entre dans la seconde. Assurément un meuble fait pour durer.
L’idée initiale provenant d’un morceau de bois, celui-ci est réservé pour cette réalisation. Par conséquent, contrairement aux autres projets, l’essence de bois ne peut pas être changée. Ce plateau est la base de ce projet.
Données techniques
Dimensions en Cm (L x l x h) : 84 x 56 (environs) x 50
Panneaux en épicéa de 5 cm d’épaisseur
Structure en barres carrées acier 50 mm et Fers plats de 50 mm
Rivets de diamètre 20 mm
Poutres en Pin (brulé en surface)
A partir de 1 000 euros